Le chemin de fer de la Petite Ceinture

La Villa du Bel-Air s’est trouvée, pendant près d’un siècle, témoin d’un trafic ferroviaire d’une certaine importance, au croisement des lignes du chemin de fer de Petite Ceinture et de la ligne de Vincennes, avec sur la Petite Ceinture un trafic de voyageurs,
de marchandises, d’animaux… une ligne de liaison voyageurs gare du Nord-gare de Lyon et accessoirement, de manière marginale, du tourisme ferroviaire. Cet environnement avait une influence certaine sur l’ambiance, la qualité de vie et la valeur de l’immobilier.

La construction de la Petite Ceinture répondait d’abord à un objectif militaire, la desserte de l’enceinte de Paris. La Petite Ceinture rive droite sera ouverte, sous le Second Empire, le premier janvier 1854 pour le transport de marchandises de la gare Saint-Lazare
à Paris-Austerlitz. Il faudra attendre plus de huit ans pour voir cette section rive droite ouverte au trafic voyageur, le 14 juillet 1862.

Avenue de Saint-Mandé en 1870. À noter, la présence de rails de tramway (hippomobile) au milieu de l’avenue. Photo Préfecture de police de Paris (Service photographique).

Dès lors, la gare de Bel-Air-Ceinture était en correspondance avec la ligne de Vincennes précédemment ouverte au trafic voyageurs le 22 septembre 1859 (ligne de Paris-Bastillle à Verneuil-l’Étang, via Nogent-sur-Marne, voir § ligne de Vincennes),
cette correspondance sera assurée pendant soixante-douze ans (à la date de la fermeture de la Petite Ceinture au trafic voyageur le 23 juillet 1934).

En 1887, la gare de Bel-Air-Ceinture voit un mouvement de 787 000 passagers par an avec une fréquence, de 132 à 172 trains (voyageurs et marchandises) par 24 heures.
En supposant un arrêt du trafic la nuit ces chiffres donnent une moyenne d’un convoi toutes les 6-7 min et 120 passagers à la gare de Bel-Air-Ceinture, par heure, ce qui est loin d’être négligeable…

La ligne de la section rive droite était primitivement posée sur le terrain naturel,
ce qui imposait le franchissement de plusieurs passages à niveau entre le tunnel
de Charonne et l’avenue de Saint-Mandé.

Cette configuration restera en place pendant trente-cinq ans. Dès l’origine,
le franchissement de l’avenue de Saint-Mandé se faisait par un pont-rail, l’avenue
avait été engravée dans le sol naturel avec construction d’un ensemble de murs
de soutènement et aménagement de deux contre-allées et franchissement des voies par passage à niveau.

Le trafic, tant routier que ferroviaire, prenant de l’importance ajoutée à cela l’extension de Paris, il devint urgent de supprimer ces passages à niveau. Dans ce secteur, il sera fait le choix de l’exhaussement des voies au-dessus des rues riveraines.

Ces travaux, entre la rue de Charenton et l’entrée sud du tunnel de Charonne, s’étendaient sur une distance de 3,5 km, avec un exhaussement moyen de la voie d’environ 5 m.
Ces travaux débuteront au printemps 1886, afin d’entrer en service début 1889,
à la faveur de l’Exposition Universelle et l’inauguration de la Tour Eiffel.

Il sera construit un nouveau pont-rail métallique à trois travées soutenu par deux rangées de quatre colonnes en fonte d’ordre doriques. Le principe de ces colonnes sera repris ultérieurement lors de la construction de la ligne n° 6 du métro, dans la première décennie du XXe siècle.

Une plaque posée sur le pont indique une suppression des passages à niveau en 1888. Contrainte remarquable : les travaux se sont déroulés sans arrêt du trafic.

Avenue de Saint-Mandé, plaque sur le pont-rail.
Avenue de Saint-Mandé, plaque sur le pont-rail.

Un examen attentif des murs de soutènement fait apparaître une différence de niveau,
la cote d’altitude côté rue des Marguettes (cette rue, dont le nom dérive des marguerites en raison de sa localisation champêtre, est présente sur les plans du cadastre de 1813)
est sensiblement plus élevée que le mur côté rue du Gabon, l’emmarchement au départ,
à l’ouest de la rampe, accuse une différence de deux marches, la réception de cette rampe, côté boulevard Soult, est aussi traitée différemment, le terrain naturel n’a pas été modifié pour assurer un ouvrage strictement symétrique, à cela s’ajoute la discrète pente
de 10 mm par mètre du pont-rail, le point bas étant situé côté rue des Marguettes.
Une cote de niveau encastrée est présente dans le mur de soutènement.

Pour les curieux :
Annales des Ponts et Chaussées, mémoires et documents.
N° 21 : Note sur les travaux d’exhaussement du chemin de fer de ceinture de Paris.
Annales des Ponts et Chaussées, mémoires et documents.
Syndicat du chemin de fer de ceinture de Paris, suppression des passages à niveau.

Avenue de Saint-Mandé, le pont-rail, détail sur colonnes et garde-corps-refuge en encorbellement, couleur gris bleu clair
Avenue de Saint-Mandé, le pont-rail, détail sur colonnes et garde-corps-refuge en encorbellement,
couleur gris bleu clair.
Garde-corps du pont-rail.
Garde-corps du mur de soutènement,

Le mur de soutènement de l’avenue de Saint-Mandé, construit à l’origine pour le passage de la Petite Ceinture sera utilisé lors de la construction de la ligne
RER Nation-Boissy-Saint-Léger, pour la création de deux grilles de ventilation
du tunnel, respectivement désignée sous le vocable de Marguettes 1 et Marguettes 2 (mise en service de la ligne A du RER, 12 décembre 1969).

Grille de ventilation  du RER, ligne A, Marguettes 1.

La Villa du Bel-Air a été desservie par deux gares, par la gare de Bel-Air-Ceinture
(rue de Montempoivre) de 1862 à 1934, et par la gare de Paris Bel-Air (rue du Sahel)
de 1859 à 1969. La mise en service de ces deux gares est antérieure d’une quarantaine d’années à l’inauguration de la première ligne de métro, la ligne n° 1 ouverte au public
le 19 juillet 1900, afin de desservir les épreuves des Jeux olympiques d’été de 1900
au Bois de Vincennes. Les quais de la station Bel-Air-Ceinture sont en vis-à-vis, au sud
de la Villa, sur une trentaine de mètres, face aux numéros 18 et 19, les plateformes
des quais sont toujours visibles. Le garde-corps de la Petite Ceinture, en croix
de Saint-André, est au droit de la Villa, orné d’une rosace. La gare Bel-Air-Ceinture proprement dite se trouvait à l’aplomb des rues du Sahel et de Montempoivre.

Vestige de quais gare Bel-Air-Ceinture, janvier 2010, an arrière plan, la villa du Bel-Air.
Vestige de quais gare Bel-Air-Ceinture, janvier 2010, an arrière plan, la villa du Bel-Air.
Vestiges de quais, gare Bel-Air-Ceinture, janvier 2010, en arrière plan la villa du Bel-Air.
Vestiges de quais, gare Bel-Air-Ceinture, janvier 2010, en arrière plan la villa du Bel-Air.
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Garde-corps en croix de Saint-André et rosace.

Un raccordement à double voie, dit raccordement de Bel Air, permettait l’échange
de trains de messageries à destination des gares de Reuilly et Paris-Bastille.

Sur ces voies désaffectées ont été créés le square Charles-Péguy (accès n° 21, rue Rottembourg), jardin partagé dit Jardin Bel-Air et sur l’ancienne rampe, à l’arrière
de la rue de la Véga, un sentier nature.

Sur le plan technique, ce raccordement se situait dans le secteur de rehaussement
de la Petite Ceinture, il a donc été surélevé, avec un rayon de courbure plus important, lors des travaux de 1888.

Il existe un second jardin partagé, dit Jardin des Deux-Lauriers, sur les vestiges
du chemin de fer de Petite Ceinture, au n° 7, rue Claude-Decaen.

Les derniers travaux sur la Petite Ceinture concernent l’enfouissement de la fibre optique (en 2014, dans le secteur de la Villa du Bel-Air, entre autres), et ces derniers mois la pose de grilles de protection sécurisant cette emprise en vue d’une ouverture au public prévue courant 2016 (?)

Pyramide à base octogonale (ventilation), rue piétonne Marie-Laurencin à l'emplacement de l'ancien raccordement.
Pyramide à base octogonale (ventilation), rue piétonne Marie-Laurencin
à l’emplacement de l’ancien raccordement.
Toile de Paul Désiré Trouillebert, travaux de rehaussement du chemin de fer de Petite Ceinture, pont rue de la Voute.
Toile de Paul-Désiré Trouillebert, travaux de rehaussement du chemin de fer de Petite Ceinture, pont rue de la Voute.
Toile de Paul Désiré Trouillebert, gare de Bel-Air Ceinture côté rue Montempoivre en direction de Paris Bel-Air et Paris-Bastille, 1888.
Toile de Paul Désiré Trouillebert, gare de Bel-Air Ceinture côté rue de Montempoivre en direction de Paris Bel-Air et Paris-Bastille, 1888.

Depuis une quarantaine d’années, le trafic ferroviaire, sur la Petite Ceinture, s’est progressivement arrêté. Arrêt du trafic voyageur sur la Petite Ceinture, 23 juillet 1934. Arrêt du trafic animal à la fin de l’activité de La Villette et de la gare Paris-Bestiaux,
le 15 mars 1974 (moutons, bœufs, porcs) et Abattoirs de Vaugirard en 1976 (chevaux).

La section de raccordement de la Petite Ceinture à Paris-Bestiaux se situait à la sortie
de la tranchée des Buttes-Chaumont, sous la rue Manin. La voie a été déposée
et constitue actuellement l’allée Darius-Milhaud (à l’emplacement de cette emprise ferroviaire un îlot a été construit où se situent : le commissariat principal du XIXe,
le collège Georges-Brassens, l’église Sainte-Colette et la Casa. Une mosaïque rappelle
le passé ferroviaire de ce quartier.

Mosaïque allée Darius Milhaud, 75019 en arrière plan les frondaisons du cimetière de la Villette.
Mosaïque allée Darius-Milhaud, 75019, en arrière plan les frondaisons du cimetière de la Villette.

Arrêt du trafic messageries, de façon progressive lors de la fermeture des abattoirs de Vaugirard (1976), des usines Citröen, des gares de marchandises de Charonne, Reuilly, vers 1985 (d’autres sources indiquent 1993).
Arrêt de la circulation des trains de jonction entre la gare du Nord et la gare de Lyon, 1989.
Jusqu’à cette époque le train de grande ligne Calais-Maritime-Venise ou Rome, (en correspondance de Londres depuis Calais), empruntait la Petite Ceinture pour rejoindre la gare de Lyon (liaison quotidienne A+R).