I – Le cadastre
À l’époque du plan de Roussel, dressé en 1730 sous le règne de Louis XV, l’emprise de Paris s’étend à l’est jusqu’à la forteresse de la Bastille, au-delà, jusqu’à la place du Trône, nous pénétrons dans le faubourg Saint-Antoine, avec un habitat diffus le long des rues et de larges surfaces de jardins, vergers, vignes. Passé la place du Trône, jusqu’au château de Vincennes à l’est et au château de Bercy au sud nous somme hors la ville, dans une zone rurale, maraîchère, forestière et çà et là quelques demeures isolées ou enclos occupés par des religieux ou des résidences de campagne. Ces parcelles sont traversées par des sentiers ou par des routes reliant Paris, Rosny, Nogent… On se plaît à imaginer ces chemins parcourus par des voitures de poste, des rouliers ou des charrettes lourdement chargées. Il est aisé de reconnaître dans ce maillage le tracé primitif de certaines rues, la place du Trône (l’actuelle place de la Nation), l’avenue de Vincennes (le cours de Vincennes, aujourd’hui), la rue du Rendez-Vous, le boulevard de Picpus, l’avenue de Saint-Mandé.
Le point de jonction de l’avenue de Saint-Mandé avec la rue du Rendez-Vous, est curieusement désigné comme le lieu-dit du Milieu du Monde (la rue de la Voûte et l’avenue du Docteur-Arnold-Netter n’existent pas encore). De ce point, aisément reconnaissable, dirigeons nous vers l’est, en empruntant au sud de l’avenue de Saint-Mandé un sentier légèrement incurvé, cette voie prendra, au début du XIXe siècle, le nom de Chemin des Charbonniers, puis en 1842 sera nommée rue Mongenot pour recevoir, en 1884, le nom de rue du Niger. Nous traversons des parcelles cultivées, situées à Saint-Mandé, aucune trace de la villa du Bel Air sur ce plan du XVIIIIe siècle.
Il faudra attendre un siècle pour voir l’ébauche d’une voie, dite rue Projetée, qui deviendra au fil des ans la villa du Bel Air. Ce sentier à travers champ figure sur le cadastre levé en 1849 Section B des fonds de Picpus, première feuille, au 1/1000e
Ce document, daté de la IIe République (Louis-Napoléon Bonaparte), apporte la preuve que le tracé de la rue Projetée est antérieur à la construction du chemin de fer de Petite Ceinture. Ce sentier se situe au lieu-dit Les Mezières, secteur divisé en de nombreuses parcelles en lanières orientées nord-sud, aucune construction n’est visible en alignement de la voie, ce qui laisse supposer une zone maraîchère.
Au sud, la rue Projetée se raccorde à un sentier orienté vers l’est, ce chemin deviendra la sente de la Lieutenance, le sentier des Merisiers est également tracé dès cette époque. Au nord, la rue Projetée se raccorde sur le rue Mongenot.
À l’est, ce secteur des Mezières vient buter contre la voie Militaire, chemin de ronde intérieur de l’enceinte fortifiée de Thiers, construite sous le règne de Louis-Philippe Ier, entre 1841 et 1844. Les fortifications seront démolies entre 1919 et 1929, elles occuperont donc le paysage parisien pendant quatre-vingts ans.
L’actuel boulevard Soult sera construit en place de cette voie militaire en empruntant une partie de la parcelle des Mezières.
La villa du Bel-Air est mentionnée dans le cadastre dressé en 1890, sous Sadi Carnot. L’ancienne parcelle des Mezières est à cette époque limitée à l’est par le tracé du boulevard Soult (jusqu’à l’avenue de Saint-Mandé) et à l’ouest par la Petite Ceinture, mise en service une trentaine d’années avant ce relevé de géomètre.
La villa du Bel-Air apparaît divisée en dix-neuf parcelles entièrement loties en alignement, laissant en arrière des zones de jardins, la rive boulevard Soult étant encore largement dépourvue d’immeubles.
La construction des maisons de la villa du Bel-Air s’est donc faite dans l’intervalle 1850-1890, sous le Second Empire, à l’époque où Haussmann entreprenait les travaux d’embellissement de Paris, proche de l’annexion de 1860 (rattachement de l’ouest de Saint-Mandé à Paris). À noter que cette première génération de maisons a été construite avant l’apparition de l’eau courante, de l’assainissement et a fortiori de l’électricité.
Il est intéressant de comparer ce plan de 1890 avec l’actuelle vue aérienne de ce secteur, les petites constructions d’origine ont laissé place à des constructions plus denses, présentant des hauteurs de faîtage différentes, avec des immeubles enclavés et un alignement boulevard Soult entièrement construit.
Le site de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) donne des dates différentes avec une construction s’étendant majoritairement sur l’intervalle 1851-1914, avec trois ilots datés du milieu du XXe siècle. (On peut consulter ici l’histoire du bâti Parisien, une cartographie des périodes de construction du bâti Parisien et des monuments historiques de la capitale).
De nos jours la villa du Bel-Air présente globalement, deux types de construction, celles de la fin du XIXe siècle, sur cave, avec emmarchement et perron pour accéder à un rez-de-chaussée surélevé d’environ un mètre par rapport à la voie, des maisons limitées à deux-trois niveaux. Et des constructions du XXe siècle, avec parfois garage en sous-sol, rez-de-chaussée accessible de plain-pied, et ce sur huit à dix étages. Il n’est pas impossible que les maisons qui apparaissent comme anciennes, appartiennent à une deuxième génération de construction, l’ouvrage primitif daté de 1860 ayant été démoli vers 1890-1900 pour une meilleure utilisation des surfaces, des hauteurs, et pour l’intégration du confort (assainissement, électricité…). Une connaissance des actes notariés permettrait de se faire une idée de l’évolution de ces lots. La présence d’un numéro bis laisse entendre un remodelage au fil du temps du parcellaire.